Article à méditer
La peur au camping
Image © Keystone
Les campeurs , choqués par l'incendie provoqué par un réfrigérateur à gaz, craignent pour leur sécurité. A tort ou à raison?
Vincent Donzé - le 26 mai 2009, 20h58
Le Matin
Les débris projetés à 200 mètres témoignent de la violence de la déflagration: les bonbonnes qui ont explosé lundi dans un camping proche du lac de Türler (ZH) à cause d'un réfrigérateur à gaz ont secoué les 646 campings du pays. Ce sinistre qui a fait 17 blessés et détruit 17 caravanes survient alors que les réservations cartonnent. Si les habitués du caravaning ne paniquent pas, les nouveaux adeptes poussés par la crise ont de quoi s'inquiéter. Doivent-ils avoir peur?
A Cortaillod (NE), le gérant d'un camping dédramatise les risques en maniant l'humour: «On aime faire la bombe, mais pas comme ça...» sourit Philippe Kuhn. Blague à part, ce gérant fait contrôler son matériel tous les cinq ans, un délai qui correspond aux prescriptions légales. Mais si les mobile-homes des résidents sont faciles à examiner, ceux des touristes passent entre les gouttes: «Quand une caravane est immatriculée, l'expert ne contrôle pas le gaz», indique un gérant de camping.
Bonbonnes à risque
«Nous refusons les saisonniers qui ne présentent pas leur certificat de contrôle», assure André Ginzery, chargé de superviser les 400 campings du TCS. Selon cet expert, les bonbonnes à gaz constituent «le plus grand risque théorique». Mais attention: ce n'est pas l'explosion qui provoque l'incendie, mais l'incendie qui provoque l'explosion: «C'est même le seul danger», soutient le chef des ventes du distributeur Vitogaz, Stefan Theiler.
Au Bureau de prévention des accidents (BPA), Robert Nyffenegger voit d'autres risques limités au caravaning, comme les bonbonnes stockées dans des camping-cars fermés hermétiquement: «Si du gaz s'échappe, il stagnera sur le sol et risquera de s'enflammer à la moindre étincelle», indique ce conseiller en habitat de loisirs. Et gare: le frottement d'une semelle synthétique suffit!
Et si une bonbonne est abandonnée tout un été au soleil? «Aucun souci, même avec une température de 50 degrés! Pour dilater le propane, il faut la chaleur d'un brasier à 300 ou 400 degrés», indique Stefan Theiler. C'est ce qui s'est passé près de Zurich: le propane a fait sauter l'acier comme la glace fait sauter le verre. Avec suffisamment de violence pour propulser les débris à 200 mètres.
Le bon réflexe
En plein sinistre, le bon réflexe consiste à éloigner les bonbonnes de gaz au plus vite pour les refroidir. Tout dépend de la température du brasier et du remplissage des bouteilles, mais selon Stefan Seiler, «une bouteille n'explose pas en cinq minutes». Le risque, selon André Ginzery, c'est de retourner dans une caravane en flammes pour tenter de sauver du matériel. Ce spécialiste du TCS sait aussi que les réflexes irréfléchis augmentent avec un verre de trop.
Gérants formés
Le geste qui sauve est inculqué aux gérants: «Nous leur apprenons à éteindre les incendies», indique André Ginzery. Sont-ils fréquents dans les campings? «Pas plus que dans les discos. Avec cet avantage: il est facile de s'enfuir en plein air...»
Pour réduire les risques, les fournisseurs de gaz liquéfié installent des citernes dans certains campings, pour alimenter l'infrastructure interne: «Quand elles sont souterraines, la sécurité contre le feu est maximale», indique le chef des ventes de Vitogaz.
A Hausen am Albis (ZH), les experts ont attribué le sinistre de lundi à une fuite dans l'installation de gaz liquide d'une caravane. Plus précisément: c'est un réfrigérateur à gaz qui a provoqué la première détonation et les flammes ont rapidement atteint d'autres véhicules où d'autres bonbonnes ont explosé, provoquant la destruction de 17 caravanes.
Les principaux dangers
Bonbonnes de gaz
Ce n’est pas la chaleur qui les fait exploser, mais la pression: «Le volume du gaz augmente à très haute température», explique Stefan Theiler, chez Vitogaz. Le propane est liquide à 80% et passés 120 bars, c’est l’explosion. Mais une nouvelle génération de bouteilles en composite se consume dans le feu. Avantage: elles n’explosent pas comme les bonbonnes en acier. Désavantage: en libérant du gaz, elles alimentent les flammes.
Prises électriques
«Tout est électrique dans notre camping, mais nous n’avons jamais rencontré de problème», insiste Fatmir Gutaj, gérant à La Neuveville (BE). Les quatre ou six ampères nécessaires pour alimenter un gril ou une TV, c’est un faible voltage. «Mais dès qu’un campeur met la prise dans une borne, il doit être protégé avec un disjoncteur différentiel», précise Robert Nyffenegger, conseiller au Bureau de prévention des accidents.
Barbecues
«Une tente prend feu rapidement», dit-on chez Swisscamps. Les grillades sont risquées si le vent souffle sur les braises. Mais selon le BPA, les barbecues à gaz sont sûrs, à condition de contrôler l’état du tuyau: «S’il s’enflamme, fermez le robinet», conseille Robert Nyffenegger, même si cette flamme est inoffensive. Explication: «Le feu n’entrera pas dans la bouteille et grâce à un régulateur, le gaz n’en sortira pas sous pression.»
Eléments naturels
Si la pluie est toujours prévisible, les violents orages sont la hantise des campeurs, après les crues du Rhône de 1987 et de 1993, les orages de 2005 et les inondations de 2007. Mais selon l’Association suisse des campings (ASC), les dangers naturels sont d’abord du ressort des communes. S’équiper d’une alarme et prévoir un plan d’évacuation, c’est une simple recommandation: «Chaque gérant est responsable», indique Michel Grünig, secrétaire de l’ASC.
