Poèmes lus ou appris à l'école et après......bons et doux souvenirs

Sujets "Out of Eriba" : hobbies, détente, humour, divers ...
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Charles-Marie LECONTE DE LISLE
1818 - 1894

Le sommeil de Leïlah

Ni bruits d'aile, ni sons d'eau vive, ni murmures ;
La cendre du soleil nage sur l'herbe en fleur,
Et de son bec furtif le bengali siffleur
Boit, comme un sang doré, le jus des mangues mûres.

Dans le verger royal où rougissent les mûres,
Sous le ciel clair qui brûle et n'a plus de couleur,
Leïlah, languissante et rose de chaleur,
Clôt ses yeux aux longs cils à l'ombre des ramures.

Son front ceint de rubis presse son bras charmant ;
L'ambre de son pied nu colore doucement
Le treillis emperlé de l'étroite babouche.

Elle rit et sommeille et songe au bien-aimé,
Telle qu'un fruit de pourpre, ardent et parfumé,
Qui rafraîchit le coeur en altérant la bouche.
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Victor HUGO
1802 - 1885

Envoi des feuilles d'automne

A Madame ***

I

Ce livre errant qui va l'aile brisée,
Et que le vent jette à votre croisée
Comme un grêlon à tous les murs cogné,

Hélas ! il sort des tempêtes publiques.
Le froid, la pluie, et mille éclairs obliques
L'ont assailli, le pauvre nouveau-né.

Il est puni d'avoir fui ma demeure.
Après avoir chanté, voici qu'il pleure ;
Voici qu'il boite après avoir plané !

II

En attendant que le vent le remporte,
Ouvrez, Marie, ouvrez-lui votre porte.
Raccommodez ses vers estropiés !

Dans votre alcôve à tous les vents bien close,
Pour un instant souffrez qu'il se repose,
Qu'il se réchauffe au feu de vos trépieds,

Qu'à vos côtés, à votre ombre, il se couche,
Oiseau plumé, qui, frileux et farouche,
Tremble et palpite, abrité sous vos pieds !
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Cécile SAUVAGE
1883 - 1927

Voilà que je me sens...

Voilà que je me sens plus proche encor des choses.
Je sais quel long travail tient l'ovaire des roses,
Comment la sauterelle au creux des rochers bleus
Appelle le soleil pour caresser ses neufs
Et pourquoi l'araignée, en exprimant sa moelle,
Protège ses petits d'un boursicot de toile.
Je sais quels yeux la biche arrête sur son faon,
Tellement notre esprit s'éclaire avec l'enfant ;
Je sais quels orgueils fous se cramponnent aux ventres,
Dans les nids, les sillons, les océans, les antres,
Quels sourds enfantements déchirent les terrains,
Quelles clameurs de sang s'élèvent des ravins.
Nous avons le regard des chattes en gésine
Quand le flux maternel nous gonfle la poitrine,
Quand l'embryon mutin bouge dans son étui
Comme un nouveau soleil sur qui pèse la nuit.
Nos seins lourds et féconds comme la grappe mûre
Offrent leur doux breuvage à toute la nature
Et notre obscur penchant voudrait verser son lait
À l'abeille, à la fleur, au ver, à l'agnelet.
Plaine grosse de sève et d'ardeurs printanières,
Écume salivant le désir des rivières,
Prunier croulant de miel, pesantes fenaisons,
Geste courbe et puissant des vertes frondaisons,
J'épouse la santé de votre âme charnelle
À présent que je vais forte comme Cybèle,
Que je suis le figuier qui pousse ses figons,
Qu'ayant connu l'essor hésitant du bourgeon
Et déployé la fleur où la guêpe vient boire,
Je m'achemine au fruit dans l'ampleur de sa gloire.
Le monde n'a plus rien de trop profond pour moi,
J'ai démêlé le sens des heures et des mois,
Et ma main qui s'arrête aux fentes des murailles
Sent dans le flanc du roc palpiter des entrailles.
Je n'aurais pas voulu, desséchant sur mon pied,
Être l'arbre stérile au tronc atrophié
Où l'abeille maçonne aurait creusé sa chambre,
Où quelque cep noueux gonflant sa grappe d'ambre
Aurait mis sur ma branche un air pâlot d'été
Sans que je participe à sa divinité.
Comme la riche nuit entre ses légers voiles
Voit dans son tablier affluer les étoiles,
Comme le long ruisseau abondant de poissons,
Je brasse en épis drus les humaines moissons.
Hommes, vous êtes tous mes fils, hommes, vous êtes
La chair que j'ai pétrie autour de vos squelettes.
Je sais les plis secrets de vos coeurs, votre front
Cherche pour y dormir mon auguste giron,
Et ma main pour flatter vos douleurs éternelles
Contient tous les nectars des sources maternelles.
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Etienne de LA BOETIE , un grand Périgourdin , ami de Montaigne , , sa maison se trouve pres de la cathédrale de Sarlat
1530 - 1563

Je veux qu'on sçache au vray comme elle estoit armee

Je veux qu'on sçache au vray comme elle estoit armee
Lors qu'elle print mon coeur au dedans de son fort,
De peur qu'à ma raison on n'en donne le tort,
Et de m'avoir failli qu'elle ne soit blasmee.

Sa douceur, sa grandeur, ses yeulx, sa grace aimee,
Fut le reng qui premier fit sur moy son effort ;
Et puis de ses vertus un autre reng plus fort,
Et son esprit, le chef de ceste grande armee.

Qu'eusse-je fait tout seul ? je me suis laissé prendre ;
Mais à son esprit seul je me suis voulu rendre.
C'est celuy qui me print, qui à son gré me méne,

Qui de me faire mal a eu tant de pouvoir :
Mais puis qu'il faut souffrir, je me tiens fier d'avoir
Une si grand' raison d'une si grande peine.
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Émile VERHAEREN
1855 - 1916

Fin d'année

Sous des cieux faits de filasse et de suie,
D'où choit morne et longue la pluie,
Voici pourrir
Au vent tenace et monotone,
Les ors d'automne ;
Voici les ors et les pourpres mourir.

O vous qui frémissiez, doucement volontaires,
Là-haut, contre le ciel, tout au long du chemin,
Tristes feuilles comme des mains,
Vous gisez, noires, sur la terre.

L'heure s'épuise à composer les jours ;
L'autan comme un rôdeur, par les plaines circule ;
La vie ample et sacrée, avec des regrets sourds,
Sous un vague tombeau d'ombre et de crépuscule,
Jusques au fond du sol se tasse et se recule.

Dites, l'entendez-vous venir au son des glas,
Venir du fond des infinis là-bas,
La vieille et morne destinée ?
Celle qui jette immensément au tas
Des siècles vieux, des siècles las,
Comme un sac de bois mort, l'année.
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Paul VERLAINE
1844 - 1896

Mains

Ce ne sont pas des mains d'altesse,
De beau prélat quelque peu saint,
Pourtant une délicatesse
Y laisse son galbe succinct.

Ce ne sont pas des mains d'artiste,
De poète proprement dit,
Mais quelque chose comme triste
En fait comme un groupe en petit ;

Car les mains ont leur caractère,
C'est tout un monde en mouvement
Où le pouce et l'auriculaire
Donnent les pôles de l'aimant.

Les météores de la tête
Comme les tempêtes du coeur,
Tout s'y répète et s'y reflète
Par un don logique et vainqueur.

Ce ne sont pas non plus les palmes
D'un rural ou d'un faubourien ;
Encor leurs grandes lignes calmes
Disent : " Travail qui ne doit rien. "

Elles sont maigres, longues, grises,
Phalange large, ongle carré.
Tels en ont aux vitraux d'églises
Les saints sous le rinceau doré,

Ou tels quelques vieux militaires
Déshabitués des combats
Se rappellent leurs longues guerres
Qu'ils narrent entre haut et bas.

Ce soir elles ont, ces mains sèches,
Sous leurs rares poils hérissés,
Des airs spécialement rêches,
Comme en proie à d'âpres pensers.

Le noir souci qui les agace,
Leur quasi-songe aigre les font
Faire une sinistre grimace
A leur façon, mains qu'elles sont.

J'ai peur à les voir sur la table
Préméditer là, sous mes yeux,
Quelque chose de redoutable,
D'inflexible et de furieux.

La main droite est bien à ma droite,
L'autre à ma gauche, je suis seul.
Les linges dans la chambre étroite
Prennent des aspects de linceul,

Dehors le vent hurle sans trêve,
Le soir descend insidieux...
Ah ! si ce sont des mains de rêve,
Tant mieux, - ou tant pis, - ou tant mieux !
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Claude-Joseph DORAT
1734 - 1780

L'étincelle

Donne-moi, ma belle maîtresse,
Donne-moi, disais-je, un baiser,
Doux, amoureux, plein de tendresse...
Tu n'osas me le refuser :
Mais que mon bonheur fut rapide !
Ta bouche à peine, souviens-t-en,
Eut effleuré ma bouche avide,
Elle s'en détache à l'instant.
Ainsi s'exhale une étincelle.
Oui, plus que Tantale agité,
Je vois, comme une onde infidèle,
Fuir le bien qui m'est présenté.
Ton baiser m'échappe, cruelle !
Le désir seul m'en est resté.
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Cécile SAUVAGE
1883 - 1927

Musique

Une lente voix murmure
Dans la verte feuillaison ;
Est-ce un rêve ou la nature
Qui réveille sa chanson ?
Cette voix dolente et pure
Glisse le long des rameaux :
Si fondue est la mesure
Qu'elle se perd dans les mots,
Si douces sont les paroles
Qu'elles meurent dans le son
Et font sous les feuilles molles
Un mystère de chanson.

Ô lente voix réveillée
Qui caresse la feuillée
Comme la brise et le vent ;
Voix profondes de la vie
Et de l'âme réunies
Qui murmurez en rêvant.
Une forme s'effaçant
Dont les gestes nus et blancs
Flottent dans l'ombre légère
Sous un rideau de fougères
Semble exhaler à demi
De ses lèvres entr'ouvertes
Un chant de silence aussi
Berceur que les branches vertes.

À peine si le murmure
De la muette chanson
Poursuit sa note et s'épure
Dans la douce feuillaison ;
Et la main passe en silence
Sur la tige d'un surgeon
Dont le rythme fin balance
Les branches de ce vallon.
Ô musique qui t'envoles
Sur les papillons glissants
Et dans la plainte du saule
Et du ruisseau caressant !

Passe, chant grêle des choses,
Coule, aile fluide qui n'ose
Peser sur l'azur pâli,
Sur les rameaux endormis ;
Efface-toi, chant de l'âme
Où se mêlent des soupirs
Dans la fuite molle et calme
Des voix qu'on ne peut saisir.
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Alphonse de LAMARTINE
1790 - 1869

Pensée des morts

Voilà les feuilles sans sève
Qui tombent sur le gazon,
Voilà le vent qui s'élève
Et gémit dans le vallon,
Voilà l'errante hirondelle .
Qui rase du bout de l'aile :
L'eau dormante des marais,
Voilà l'enfant des chaumières
Qui glane sur les bruyères
Le bois tombé des forêts.

L'onde n'a plus le murmure ,
Dont elle enchantait les bois ;
Sous des rameaux sans verdure.
Les oiseaux n'ont plus de voix ;
Le soir est près de l'aurore,
L'astre à peine vient d'éclore
Qu'il va terminer son tour,
Il jette par intervalle
Une heure de clarté pâle
Qu'on appelle encore un jour.

L'aube n'a plus de zéphire
Sous ses nuages dorés,
La pourpre du soir expire
Sur les flots décolorés,
La mer solitaire et vide
N'est plus qu'un désert aride
Où l'oeil cherche en vain l'esquif,
Et sur la grève plus sourde
La vague orageuse et lourde
N'a qu'un murmure plaintif.

La brebis sur les collines
Ne trouve plus le gazon,
Son agneau laisse aux épines
Les débris de sa toison,
La flûte aux accords champêtres
Ne réjouit plus les hêtres
Des airs de joie ou d'amour,
Toute herbe aux champs est glanée :
Ainsi finit une année,
Ainsi finissent nos jours !

C'est la saison où tout tombe
Aux coups redoublés des vents ;
Un vent qui vient de la tombe
Moissonne aussi les vivants :
Ils tombent alors par mille,
Comme la plume inutile
Que l'aigle abandonne aux airs,
Lorsque des plumes nouvelles
Viennent réchauffer ses ailes
A l'approche des hivers.

C'est alors que ma paupière
Vous vit pâlir et mourir,
Tendres fruits qu'à la lumière
Dieu n'a pas laissé mûrir !
Quoique jeune sur la terre,
Je suis déjà solitaire
Parmi ceux de ma saison,
Et quand je dis en moi-même :
Où sont ceux que ton coeur aime ?
Je regarde le gazon.

Leur tombe est sur la colline,
Mon pied la sait ; la voilà !
Mais leur essence divine,
Mais eux, Seigneur, sont-ils là ?
Jusqu'à l'indien rivage
Le ramier porte un message
Qu'il rapporte à nos climats ;
La voile passe et repasse,
Mais de son étroit espace
Leur âme ne revient pas.

Ah ! quand les vents de l'automne
Sifflent dans les rameaux morts,
Quand le brin d'herbe frissonne,
Quand le pin rend ses accords,
Quand la cloche des ténèbres
Balance ses glas funèbres,
La nuit, à travers les bois,
A chaque vent qui s'élève,
A chaque flot sur la grève,
Je dis : N'es-tu pas leur voix?

Du moins si leur voix si pure
Est trop vague pour nos sens,
Leur âme en secret murmure
De plus intimes accents ;
Au fond des coeurs qui sommeillent,
Leurs souvenirs qui s'éveillent
Se pressent de tous côtés,
Comme d'arides feuillages
Que rapportent les orages
Au tronc qui les a portés !

C'est une mère ravie
A ses enfants dispersés,
Qui leur tend de l'autre vie
Ces bras qui les ont bercés ;
Des baisers sont sur sa bouche,
Sur ce sein qui fut leur couche
Son coeur les rappelle à soi ;
Des pleurs voilent son sourire,
Et son regard semble dire :
Vous aime-t-on comme moi ?

C'est une jeune fiancée
Qui, le front ceint du bandeau,
N'emporta qu'une pensée
De sa jeunesse au tombeau ;
Triste, hélas ! dans le ciel même,
Pour revoir celui qu'elle aime
Elle revient sur ses pas,
Et lui dit : Ma tombe est verte !
Sur cette terre déserte
Qu'attends-tu ? Je n'y suis pas !

C'est un ami de l'enfance,
Qu'aux jours sombres du malheur
Nous prêta la Providence
Pour appuyer notre cœur ;
Il n'est plus ; notre âme est veuve,
Il nous suit dans notre épreuve
Et nous dit avec pitié :
Ami, si ton âme est pleine,
De ta joie ou de ta peine
Qui portera la moitié ?

C'est l'ombre pâle d'un père
Qui mourut en nous nommant ;
C'est une soeur, c'est un frère,
Qui nous devance un moment ;
Sous notre heureuse demeure,
Avec celui qui les pleure,
Hélas ! ils dormaient hier !
Et notre coeur doute encore,
Que le ver déjà dévore
Cette chair de notre chair !

L'enfant dont la mort cruelle
Vient de vider le berceau,
Qui tomba de la mamelle
Au lit glacé du tombeau ;
Tous ceux enfin dont la vie
Un jour ou l'autre ravie,
Emporte une part de nous,
Murmurent sous la poussière :
Vous qui voyez la lumière,
Vous souvenez-vous de nous ?

Ah ! vous pleurer est le bonheur suprême
Mânes chéris de quiconque a des pleurs !
Vous oublier c'est s'oublier soi-même :
N'êtes-vous pas un débris de nos coeurs ?

En avançant dans notre obscur voyage,
Du doux passé l'horizon est plus beau,
En deux moitiés notre âme se partage,
Et la meilleure appartient au tombeau !

Dieu du pardon ! leur Dieu ! Dieu de leurs pères !
Toi que leur bouche a si souvent nommé !
Entends pour eux les larmes de leurs frères !
Prions pour eux, nous qu'ils ont tant aimé !

Ils t'ont prié pendant leur courte vie,
Ils ont souri quand tu les as frappés !
Ils ont crié : Que ta main soit bénie !
Dieu, tout espoir ! les aurais-tu trompés ?

Et cependant pourquoi ce long silence ?
Nous auraient-ils oubliés sans retour ?
N'aiment-ils plus ? Ah ! ce doute t'offense !
Et toi, mon Dieu, n'es-tu pas tout amour ?

Mais, s'ils parlaient à l'ami qui les pleure,
S'ils nous disaient comment ils sont heureux,
De tes desseins nous devancerions l'heure,
Avant ton jour nous volerions vers eux.

Où vivent-ils ? Quel astre, à leur paupière
Répand un jour plus durable et plus doux ?
Vont-ils peupler ces îles de lumière ?
Ou planent-ils entre le ciel et nous ?

Sont-ils noyés dans l'éternelle flamme ?
Ont-ils perdu ces doux noms d'ici-bas,
Ces noms de soeur et d'amante et de femme ?
A ces appels ne répondront-ils pas ?

Non, non, mon Dieu, si la céleste gloire
Leur eût ravi tout souvenir humain,
Tu nous aurais enlevé leur mémoire ;
Nos pleurs sur eux couleraient-ils en vain ?

Ah ! dans ton sein que leur âme se noie !
Mais garde-nous nos places dans leur cœur ;
Eux qui jadis ont goûté notre joie,
Pouvons-nous être heureux sans leur bonheur ?

Etends sur eux la main de ta clémence,
Ils ont péché; mais le ciel est un don !
Ils ont souffert; c'est une autre innocence !
Ils ont aimé; c'est le sceau du pardon !

Ils furent ce que nous sommes,
Poussière, jouet du vent !
Fragiles comme des hommes,
Faibles comme le néant !
Si leurs pieds souvent glissèrent,
Si leurs lèvres transgressèrent
Quelque lettre de ta loi,
Ô Père! ô juge suprême !
Ah ! ne les vois pas eux-mêmes,
Ne regarde en eux que toi !

Si tu scrutes la poussière,
Elle s'enfuit à ta voix !
Si tu touches la lumière,
Elle ternira tes doigts !
Si ton oeil divin les sonde,
Les colonnes de ce monde
Et des cieux chancelleront :
Si tu dis à l'innocence :
Monte et plaide en ma présence !
Tes vertus se voileront.

Mais toi, Seigneur, tu possèdes
Ta propre immortalité !
Tout le bonheur que tu cèdes
Accroît ta félicité !
Tu dis au soleil d'éclore,
Et le jour ruisselle encore !
Tu dis au temps d'enfanter,
Et l'éternité docile,
Jetant les siècles par mille,
Les répand sans les compter !

Les mondes que tu répares
Devant toi vont rajeunir,
Et jamais tu ne sépares
Le passé de l'avenir ;
Tu vis ! et tu vis ! les âges,
Inégaux pour tes ouvrages,
Sont tous égaux sous ta main ;
Et jamais ta voix ne nomme,
Hélas ! ces trois mots de l'homme :
Hier, aujourd'hui, demain !

Ô Père de la nature,
Source, abîme de tout bien,
Rien à toi ne se mesure,
Ah ! ne te mesure à rien !
Mets, à divine clémence,
Mets ton poids dans la balance,
Si tu pèses le néant !
Triomphe, à vertu suprême !
En te contemplant toi-même,
Triomphe en nous pardonnant !
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René-François SULLY PRUDHOMME
1839 - 1907

La Grande Chartreuse

J'ai vu, tels que des morts réveillés par le glas,
Les moines, lampe en main, se ranger en silence,
Puis pousser, comme un vol de corbeaux qui s'élance,
Leurs noirs miserere qui plaisent au coeur las.

Le néant dans le cloître a sonné sous mes pas ;
J'ai connu la cellule, où le calme commence,
D'où le monde nous semble une mêlée immense
Dont le vain dénoûment ne nous regarde pas.

La blancheur des grands murs m'a hanté comme un rêve ;
J'ai senti dans ma vie une ineffable trêve :
L'avant-goût du sépulcre a réjoui mes os.

Mais, adieu ! Le soldat court où le canon gronde :
Je retourne où j'entends la bataille du monde,
Sans pitié pour mon coeur affamé de repos.
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Léon-Pamphile LE MAY
1837 - 1918

Adam

- Et le mal nous a pris, séduisant, enjôleur,
Comme un filet de soie en ses brillantes mailles.
Eve a senti l'amour embraser ses entrailles ;
Elle a, bénissant Dieu, fait l'homme de douleur.

Dieu m'a dit, irrité : « Tu scelles ton malheur.
Il faut que chaque jour tu souffres et travailles.
Mon ciel vous est fermé comme par des murailles,
Jusqu'au jour où viendra le divin Rédempteur. »

J'ai répondu, courbé sous l'amère sentence
- Nous avons fait le mal, nous ferons pénitence,
Mais laissez à nos fronts leur céleste fierté.

Puis j'ai dit, suppliant : - Lève cet anathème,
Et vois ce que je fais de notre liberté...
Je pourrais te haïr, ô mon Maître ! et je t'aime.
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Jules LAFORGUE
1860 - 1887

Petites misères d'octobre

Octobre m'a toujours fiché dans la détresse ;
Les Usines, cent goulots fumant vers les ciels....
Les poulardes s'engraissent
Pour Noël.

Oh ! qu'alors, tout bramant vers d'albes atavismes,
Je fonds mille Icebergs vers les septentrions
D'effarants mysticismes
Des Sions !....

Car les seins distingués se font toujours plus rares ;
Le légitime est tout, mais à qui bon ma cour ?
De qui bénir mes Lares
Pour toujours ?

Je ferai mes oraisons aux Premières Neiges ;
Et je crierai au Vent : " Et toi aussi, forçat !
Et rien ne vous allège
Comme ça.

(Avec la Neige, tombe une miséricorde
D'agonie ; on a vu des gens aux coeurs de cuir
Et méritant la corde
S'en languir.)

Mais vrai, s'écarteler les lobes, jeu de dupe....
Rien, partout, des saisons et des arts et des dieux,
Ne vaut deux sous de jupe,
Deux sous d'yeux.

Donc, petite, deux sous de jupe en oeillet tiède,
Et deux sous de regards, et tout ce qui s'ensuit....
Car il n'est qu'un remède
A l'ennui.
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Max ELSKAMP
1862 - 1931

Horloge admirable

Or, en aujourd'hui et mes heures,
Marie du temps quotidien
Pour le travail et pour le pain
Des vies qui rient, des vies qui pleurent,
Je vous salue, Marie-aux-heures ;

Et vous salue, Marie-au-peuple,
Mon peuple bon de chrétienté,
Et si patient d'équité
Depuis des temps d'éternité,
Et vous salue, Marie, mon peuple.

Or les villes, Marie-aux-cloches,
Mes villes d'hiver et d'été
Et de tout près, et d'à côté,
Mes villes de bois ou de roche
Bien vous saluent, Marie-aux-cloches ;

Et vous saluent, Marie-aux-îles,
Que font les bons chez les mauvais,
Les coeurs naïfs et les muets
Aux heures longues de ces villes
Qui vous saluent, Marie-aux-îles,

Et puis aussi, Marie-du-temps,
Ceux du présent, et les absents
Aux joies du rire ou dans la peine ;
Et puis aussi, Marie-du-temps,
Moi dans la vie comme à la traîne.
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Théophile GAUTIER
1811 - 1872

L'obélisque de Luxor

Je veille, unique sentinelle
De ce grand palais dévasté,
Dans la solitude éternelle,
En face de l'immensité.

A l'horizon que rien ne borne,
Stérile, muet, infini,
Le désert sous le soleil morne,
Déroule son linceul jauni.

Au-dessus de la terre nue,
Le ciel, autre désert d'azur,
Où jamais ne flotte une nue,
S'étale implacablement pur.

Le Nil, dont l'eau morte s'étame
D'une pellicule de plomb,
Luit, ridé par l'hippopotame,
Sous un jour mat tombant d'aplomb ;

Et les crocodiles rapaces,
Sur le sable en feu des îlots,
Demi-cuits dans leurs carapaces,
Se pâment avec des sanglots.

Immobile sur son pied grêle,
L'ibis, le bec dans son jabot,
Déchiffre au bout de quelque stèle
Le cartouche sacré de Thot.

L'hyène rit, le chacal miaule,
Et, traçant des cercles dans l'air,
L'épervier affamé piaule,
Noire virgule du ciel clair.

Mais ces bruits de la solitude
Sont couverts par le bâillement
Des sphinx, lassés de l'attitude
Qu'ils gardent immuablement.

Produit des blancs reflets du sable
Et du soleil toujours brillant,
Nul ennui ne t'est comparable,
Spleen lumineux de l'Orient !

C'est toi qui faisais crier : Grâce !
A la satiété des rois
Tombant vaincus sur leur terrasse,
Et tu m'écrases de ton poids.

Ici jamais le vent n'essuie
Une larme à l'oeil sec des cieux.
Et le temps fatigué s'appuie
Sur les palais silencieux.

Pas un accident ne dérange
La face de l'éternité ;
L'Égypte, en ce monde où tout change,
Trône sur l'immobilité.

Pour compagnons et pour amies,
Quand l'ennui me prend par accès,
J'ai les fellahs et les momies
Contemporaines de Rhamsès ;

Je regarde un pilier qui penche,
Un vieux colosse sans profil
Et les canges à voile blanche
Montant ou descendant le Nil.

Que je voudrais comme mon frère,
Dans ce grand Paris transporté,
Auprès de lui, pour me distraire,
Sur une place être planté !

Là-bas, il voit à ses sculptures
S'arrêter un peuple vivant,
Hiératiques écritures,
Que l'idée épelle en rêvant.

Les fontaines juxtaposées
Sur la poudre de son granit
Jettent leurs brumes irisées ;
Il est vermeil, il rajeunit !

Des veines roses de Syène
Comme moi cependant il sort,
Mais je reste à ma place ancienne,
Il est vivant et je suis mort !
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Charles VION D'ALIBRAY
1600 - 1653

Je ne t'impute point l'amour que je te porte

Je ne t'impute point l'amour que je te porte,
D'un objet tout divin mes sens y sont forcez,
Je sçay ce que tu vaux, Phyllis, et c'est assez,
Et je sçay ce que c'est d'un Amant de ma sorte.

N'apprehende donc point qu'un vain desir m'emporte,
Ny que je vueille voir mes maux recompensez ;
Je ne demande rien pour ceux qui sont passez,
Je ne demande rien pour ceux que je supporte.

Non, je n'approuve point ces superbes Esprits
Qui pensent captiver l'objet qui les a pris,
J'entends qu'absolument, ton coeur du mien dispose,

Phyllis, sans nul espoir je me veux consumer,
Car je t'estime tant, et moy, si peu de chose,
Que je t'aimerois moins si tu pouvois m'aimer.
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Charles VAN LERBERGHE
1861 - 1907

L'adieu

Le soir fraîchissait dans les roses.
Inquiets de troubler ce charme défaillant,
Des êtres inconnus, voluptueusement,
Atténuaient les choses
De voiles hyacinthes, semblables à des mers.
Tout s'effaçait en un calme silence,
Et devenait l'imperceptible hier.
Des choses qui mouraient paraissaient immortelles,
D'autres, languissamment, s'exhalaient dans le ciel,
Et pour qu'aucun regret n'en fût en nos pensées,
Tout en nous oubliant, semblaient comme oubliées.

Mais, à cette heure suprême
Nos visages encor tournés vers le bonheur,
Attardés dans le soir, dans l'adieu, dans les pleurs,
Attardés en nous-mêmes ;
Nous voulions, malgré que tout espoir fût vain,
Revivre ce beau jour, et seuls, le soir atteint,
Seuls, nous ne savions nous détacher des choses,
À l'heure où les parfums se détachaient des roses,
Et la lumière de notre seuil.
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Jean de LA FONTAINE
1621 - 1695

La Poule aux oeufs d'or

L'avarice perd tout en voulant tout gagner.
Je ne veux, pour le témoigner,
Que celui dont la Poule, à ce que dit la Fable,
Pondait tous les jours un oeuf d'or.
Il crut que dans son corps elle avait un trésor.
Il la tua, l'ouvrit, et la trouva semblable
A celles dont les oeufs ne lui rapportaient rien,
S'étant lui-même ôté le plus beau de son bien.
Belle leçon pour les gens chiches :
Pendant ces derniers temps, combien en a-t-on vus
Qui du soir au matin sont pauvres devenus
Pour vouloir trop tôt être riches ?
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Alfred de VIGNY
1797 - 1863

Le Déluge
(extrait)

La Terre était riante et dans sa fleur première ;
Le jour avait encor cette même lumière
Qui du Ciel embelli couronna les hauteurs
Quand Dieu la fit tomber de ses doigts créateurs.
Rien n'avait dans sa forme altéré la nature,
Et des monts réguliers l'immense architecture
S'élevait jusqu'aux Cieux par ses degrés égaux,
Sans que rien de leur chaîne eût brisé les anneaux.
La forêt, plus féconde, ombrageait, sous ses dômes,
Des plaines et des fleurs les gracieux royaumes
Et des fleuves aux mers le cours était réglé
Dans un ordre parfait qui n'était pas troublé.
Jamais un voyageur n'aurait, sous le feuillage,
Rencontré, loin des flots, l'émail du coquillage,
Et la perle habitait son palais de cristal :
Chaque trésor restait dans l'élément natal,
Sans enfreindre jamais la céleste défense ;
Et la beauté du monde attestait son enfance ;
Tout suivait sa loi douce et son premier penchant,
Tout était pur encor. Mais l'homme était méchant.

Les peuples déjà vieux, les races déjà mûres,
Avaient vu jusqu'au fond des sciences obscures ;
Les mortels savaient tout, et tout les affligeait ;
Le prince était sans joie ainsi que le sujet ;
Trente religions avaient eu leurs prophètes,
Leurs martyrs, leurs combats, leurs gloires, leurs défaites,
Leur temps d'indifférence et leur siècle d'oubli ;
Chaque peuple, à son tour dans l'ombre enseveli,
Chantait languissamment ses grandeurs effacées :
La mort régnait déjà dans les âmes glacées.
Même plus haut que l'homme atteignaient ses malheurs :
D'autres êtres cherchaient ses plaisirs et ses pleurs.
Souvent, fruit inconnu d'un orgueilleux mélange,
Au sein d'une mortelle on vit le fils d'un Ange.
Le crime universel s'élevait jusqu'aux cieux.
Dieu s'attrista lui-même et détourna les yeux.

Et cependant, un jour, au sommet solitaire
Du mont sacré d'Arar, le plus haut de la Terre,
Apparut une vierge et près d'elle un pasteur :
Tous deux nés dans les champs, loin d'un peuple imposteur,
Leur langage était doux, leurs mains étaient unies
Comme au jour fortuné des unions bénies ;
Ils semblaient, en passant sur ces monts inconnus,
Retourner vers le Ciel dont ils étaient venus ;
Et, sans l'air de douleur, signe que Dieu nous laisse,
Rien n'eût de leur nature indiqué la faiblesse,
Tant les traits primitifs et leur simple beauté
Avaient sur leur visage empreint de majesté.

Quand du mont orageux ils touchèrent la cime,
La campagne à leurs pieds s'ouvrit comme un abîme.
C'était l'heure où la nuit laisse le Ciel au jour :
Les constellations palissaient tour à tour ;
Et, jetant à la Terre un regard triste encore,
Couraient vers l'Orient se perdre dans l'aurore,
Comme si pour toujours elles quittaient les yeux
Qui lisaient leur destin sur elles dans les Cieux.
Le Soleil, dévoilant sa figure agrandie,
S'éleva sur les bois comme un vaste incendie,
Et la Terre aussitôt, s'agitant longuement,
Salua son retour par un gémissement.
Réunis sur les monts, d'immobiles nuages
Semblaient y préparer l'arsenal des orages ;
Et sur leurs fronts noircis qui partageaient les Cieux
Luisait incessamment l'éclair silencieux.
Tous les oiseaux, poussés par quelque instinct funeste,
S'unissaient dans leur vol en un cercle céleste ;
Comme des exilés qui se plaignent entre eux,
Ils poussaient dans les airs de longs cris douloureux. [...]
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Honorat de Bueil, seigneur de RACAN
1589 - 1670

La venue du Printemps
À Monsieur de Termes

Ode

Enfin, Termes, les ombrages
Reverdissent dans les bois,
L'hiver et tous ses orages
Sont en prison pour neuf mois ;
Enfin la neige et la glace
Font à la verdure place,
Enfin le beau temps reluit,
Et Philomèle, assurée
De la fureur de Térée,
Chante aux forêts jour et nuit.

Déjà les fleurs qui bourgeonnent
Rajeunissent les vergers,
Tous les échos ne résonnent
Que de chansons de bergers,
Les jeux, les ris, et la danse
Sont partout en abondance,
Les délices ont leur tour,
La tristesse se retire,
Et personne ne soupire
S'il ne soupire d'amour.

Les moissons dorent les plaines,
Le ciel est tout de saphirs,
Le murmure des fontaines
S'accorde au bruit des zéphirs,
Les foudres et les tempêtes
Ne grondent plus sur nos têtes,
Ni des vents séditieux
Les insolentes colères
Ne poussent plus les galères
Des abîmes dans les cieux.

Ces belles fleurs que Nature
Dans les campagnes produit
Brillent parmi la verdure
Comme des astres la nuit :
L'Aurore, qui dans son âme
Brûle d'une douce flamme,
Laissant au lit endormi
Son vieux mari, froid et pâle,
Désormais est matinale
Pour aller voir son ami.

Termes, de qui le mérite
Ne se peut trop estimer,
La belle saison invite
Chacun au plaisir d'aimer
La jeunesse de l'année
Soudain se voit terminée,
Après le chaud véhément
Revient l'extrême froidure,
Et rien au monde ne dure
Qu'un éternel changement.

Leurs courses entresuivies
Vont comme un flux et reflux,
Mais le printemps de nos vies
Passe et ne retourne plus,
Tout le soin des Destinées
Est de guider nos journées
Pas à pas vers le tombeau,
Et sans respecter personne,
Le Temps de sa faux moissonne
Ce que l'homme a de plus beau.

Tes louanges immortelles
Ni tes aimables appas
Qui te font chérir des belles
Ne t'en garantiront pas :
Crois-moi, tant que Dieu t'octroie
Cet âge comblé de joie
Qui s'enfuit de jour en jour,
Jouis du temps qu'il te donne,
Et ne crois pas en automne
Cueillir les fruits de l'amour.
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Félix ARVERS
1806 - 1850

La villégiature

J'ai souvent comparé la villégiature
Aux phases d'un voyage entrepris en commun
Avec des étrangers de diverse nature
Dont on n'a de ses jours vu ni connu pas un.

Au début de la route, en montant en voiture,
On s'observe : - l'un l'autre on se trouve importun ;
L'entretien languissant meurt faute de pâture...
Mais, petit à petit, on s'anime ; et chacun

A l'entrain général à son tour s'associe :
On cause, on s'abandonne, et plus d'un s'apprécie.
- Les chevaux cependant marchent sans s'arrêter ;

Et c'est lorsqu'on commence à peine à se connaître,
Que l'on se juge mieux, - qu'on s'aimerait peut-être,
- C'est alors qu'on arrive, - et qu'il faut se quitter.
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Jean RICHEPIN
1849 - 1926

La flûte

Je n'étais qu'une plante inutile, un roseau.
Aussi je végétais, si frêle, qu'un oiseau
En se posant sur moi pouvait briser ma vie.
Maintenant je suis flûte et l'on me porte envie.
Car un vieux vagabond, voyant que je pleurais,
Un matin en passant m'arracha du marais,
De mon coeur, qu'il vida, fit un tuyau sonore,
Le mit sécher un an, puis, le perçant encore,
Il y fixa la gamme avec huit trous égaux ;
Et depuis, quand sa lèvre aux souffles musicaux
Éveille les chansons au creux de mon silence,
Je tressaille, je vibre, et la note s'élance ;
Le chapelet des sons va s'égrenant dans l'air ;
On dirait le babil d'une source au flot clair ;
Et dans ce flot chantant qu'un vague écho répète
Je sais noyer le coeur de l'homme et de la bête.
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François COPPÉE
1842 - 1908

Le Rêve du Poète

Ce serait sur les bords de la Seine. Je vois
Notre chalet, voilé par un bouquet de bois.
Un hamac au jardin, un bateau sur le fleuve.
Pas d'autre compagnon qu'un chien de Terre-Neuve
Qu'elle aimerait et dont je serais bien jaloux.
Des faïences à fleurs pendraient après des clous ;
Puis beaucoup de chapeaux de paille et des ombrelles.
Sous leurs papiers chinois les murs seraient si frêles
Que même, en travaillant à travers la cloison
Je l'entendrais toujours errer par la maison
Et traîner dans l'étroit escalier sa pantoufle.
Les miroirs de ma chambre auraient senti son souffle
Et souvent réfléchi son visage, charmés.
Elle aurait effleuré tout de ses doigts aimés.
Et ces bruits, ces reflets, ces parfums, venant d'elle,
Ne me permettraient pas d'être une heure infidèle.
Enfin, quand, poursuivant un vers capricieux,
Je serais là, pensif et la main sur les yeux,
Elle viendrait, sachant pourtant que c'est un crime,
Pour lire mon poème et me souffler ma rime,
Derrière moi, sans bruit, sur la pointe des pieds.
Moi, qui ne veux pas voir mes secrets épiés,
Je me retournerais avec un air farouche ;
Mais son gentil baiser me fermerait la bouche.
- Et dans les bois voisins, inondés de rayons,
Précédés du gros chien, nous nous promènerions,
Moi, vêtu de coutil, elle, en toilette blanche,
Et j'envelopperais sa taille, et sous sa manche
Ma main caresserait la rondeur de son bras.
On ferait des bouquets, et, quand nous serions las
On rejoindrait, toujours suivis du chien qui jappe,
La table mise, avec des roses sur la nappe,
Près du bosquet criblé par le soleil couchant ;
Et, tout en s'envoyant des baisers en mangeant,
Tout en s'interrompant pour se dire : Je t'aime !
On assaisonnerait des fraises à la crème,
Et l'on bavarderait comme des étourdis
Jusqu'à ce que la nuit descende...

- O Paradis !
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Re: Poèmes lus ou appris à l'école et après......bons et doux souvenirs

Message non lu par XYZ »

Bonjour. Nous avons eu la chance rencontrer un monsieur de 84 ans qui nous à récité d'une façon fort émouvante un texte qu'il connait par cœur pour l'avoir appris à l'école. Il à la larme à l'oeil à chaque fois qu'il le dit. Il n'en connait pas l'auteur et nous n'avons rien trouvé sur Google …
Si quelqu'un peut nous aider à lui faire plaisir …

La vieille et le cimetière (d’après Michel ALBARIC)

Elle portait un pot de chrysanthème blanc
Elle marchait à pas très lents
A travers les allées de ce vieux cimetière
Elle a marché je crois des heures entières
Sans découvrir apparemment
La tombe du fils- du mari ou de l’amant
Sur laquelle déposer son bouquet de fleurs blanches.
Mais la voici enfin qui s’arrête et se penche
Sur une stèle froide et nue
Sous laquelle est couché quelque mort inconnu
Car je ne vois pas de nom sur cette pierre
On a du l’oublier dans ce vieux cimetière
Depuis très très longtemps personne n’est venu
La tombe est mal entretenue
Quelques fleurs desséchées sur le sol s’éparpillent
Ca et la on peut voir quelques brindilles
Qui ont poussé sans le moindre remord
Ce doit être un bien pauvre mort qui sous cette pierre là dort
La vieille agenouillée arrache les brins d’herbe
Avec dévotion elle dépose sa gerbe
Et reste un long moment à prier
Je la vois faisant rouler un chapelet entre ses doigts
Son regard est ailleurs il rejoint sa mémoire
Elle revit en ce moment sa belle histoire
Ses premières amours le temps de ses vingt ans
Ses lèvres balbutient imperceptiblement
Elles parlent au mort
Elles le ressuscitent
Jai envie de partir très vite
J’ai peur de les embarrasser- moi vivant
Page -2 -La vieille et le cimetière
Moi curieux-trop jeune pour comprendre
Tout ce que ce dialogue a de beau et de tendre
Mais je ne bouge pas –j’attends-je ne sais quoi
De cette femme qui bavarde à mi voix
Enfin tout doucement je la vois qui se lève
Elle repart-elle est encore dans son rêve
Elle a laissé son pot de chrysanthèmes blancs
Elle s’en va à pas très lents
Sans oser l’aborder je la suis en silence
Et puis soudain je m’élance car la curiosité est trop forte vraiment
Je lui dis s’il vous plait-depuis un bon moment
Votre manège me surprend
Vous avez marché très longtemps tout au long des allées de ce vieux cimetière
Avant de découvrir in extrémis la pierre
A laquelle vos fleurs paraissaient destinées
A chercher vous avez passé la matinée
Aviez vous oublié ou se trouvait la stèle ?
======================================
Vous vous trompez du tout au tout me répond elle
Je suis entrée ici au hasard de mes pas
Le mort que j’ai choisi je ne le connais pas
Je cherchais simplement un tombeau solitaire
Sans nom et sans ami –rien qu’avec son mystère
Un mort abandonné pour qu’il soit tout à moi
J’ai trouvé celui la et vous savez pourquoi ?
A chaque 2 Novembre je quitte le matin ce qui me sert de chambre
Pourquoi j’achète un pot de fleur
Pourquoi je vais-que le ciel soit clément ou qu’il fasse mauvais
Page -3 -La vieille et le cimetière

Fleurir un inconnu dans quelque cimetière
C’est que j’aurai passé mon existence entière
Seule Monsieur –sans ami ni parent
Sans fils –sans mari pas même un soupirant
Seule le jour la nuit-ce fut désespérant
De ne pouvoir aimer-trembler-faire des rêves
De ne pouvoir pleurer ceux dont la vie s’achève
J’inventais des vivants pour peupler mon décor
Mais maintenant il faut que j’invente des morts
Car-croyez vous Monsieur-bientôt viendra mon heure et je ne veux pas dans ma dernière demeure être seule pardi
Je veux avoir beaucoup d’amis au paradis

ELLE A SOURI….
ELLE EST PARTIE…

JE N’AI RIEN DIT…..
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Superbe :super: :super: :super: :super: :super: :super: :super: :super: :super: J'adore...........
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Re: Poèmes lus ou appris à l'école et après......bons et doux souvenirs

Message non lu par XYZ »

Michel ALBARIC c'est le conteur, il à je crois 84 ans. (ancien dentiste) Il se rappelle avoir appris ce texte à l'école mais c'est tout. J'ai cherché un peu dans tous les sens mais rien trouvé. Comme le soldat, il restera peut être le poète inconnu, et finalement cet état peut être mis en parallèle avec son texte, qu'importe de le connaître, son texte suffit à justifier son existence.
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Message non lu par Lavandine »

J'ai connu un Michel Albaric , il vivait à Finiels , en Lozère. ... peut-être était-ce le même ?
Modifié en dernier par Lavandine le dim. 22 mars 2020 17:51, modifié 2 fois.
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Y. St Malo a écrit : dim. 22 mars 2020 12:21 Michel ALBARIC c'est le conteur, il à je crois 84 ans. (ancien dentiste) Il se rappelle avoir appris ce texte à l'école mais c'est tout. J'ai cherché un peu dans tous les sens mais rien trouvé. Comme le soldat, il restera peut être le poète inconnu, et finalement cet état peut être mis en parallèle avec son texte, qu'importe de le connaître, son texte suffit à justifier son existence.
J'ai perdu ma matinée à chercher dans tous les sens ...en pure perte....dommage..... :pleur4:
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Joachim DU BELLAY
1522 - 1560

Las où est maintenant ce mespris de Fortune

Las où est maintenant ce mespris de Fortune
Où est ce coeur vainqueur de toute adversité,
Cest honneste desir de l'immortalité,
Et ceste honneste flamme au peuple non commune ?

Où sont ces doulx plaisir, qu'au soir soubs la nuict brun
Les Muses me donnoient, alors qu'en liberté
Dessus le verd tapy d'un rivage esquarté
Je les menois danser aux rayons de la Lune ?

Maintenant la Fortune est maistresse de moy,
Et mon coeur qui souloit estre maistre de soy,
Est serf de mille maux et regrets qui m'ennuyent.

De la postérité je n'ay plus de souci,
Ceste divine ardeur, je ne l'ay plus aussi,
Et les Muses de moy, comme estranges, s'enfuyent.
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Alfred de MUSSET
1810 - 1857

Madame la Marquise

Vous connaissez que j'ai pour mie
Une Andalouse à l'oeil lutin,
Et sur mon coeur, tout endormie,
Je la berce jusqu'au matin.

Voyez-la, quand son bras m'enlace,
Comme le col d'un cygne blanc,
S'enivrer, oublieuse et lasse,
De quelque rêve nonchalant.

Gais chérubins ! veillez sur elle.
Planez, oiseaux, sur notre nid ;
Dorez du reflet de votre aile
Son doux sommeil, que Dieu bénit !

Car toute chose nous convie
D'oublier tout, fors notre amour :
Nos plaisirs, d'oublier la vie ;
Nos rideaux, d'oublier le jour.

Pose ton souffle sur ma bouche,
Que ton âme y vienne passer !
Oh ! restons ainsi dans ma couche,
Jusqu'à l'heure de trépasser !

Restons ! L'étoile vagabonde
Dont les sages ont peur de loin
Peut-être, en emportant le monde,
Nous laissera dans notre coin.

Oh ! viens ! dans mon âme froissée
Qui saigne encor d'un mal bien grand,
Viens verser ta blanche pensée,
Comme un ruisseau dans un torrent !

Car sais-tu, seulement pour vivre,
Combien il m'a fallu pleurer ?
De cet ennui qui désenivre
Combien en mon coeur dévorer ?

Donne-moi, ma belle maîtresse,
Un beau baiser, car je te veux
Raconter ma longue détresse,
En caressant tes beaux cheveux.

Or voyez qui je suis, ma mie,
Car je vous pardonne pourtant
De vous être hier endormie
Sur mes lèvres, en m'écoutant.

Pour ce, madame la marquise,
Dès qu'à la ville il fera noir,
De par le roi sera requise
De venir en notre manoir ;

Et sur mon coeur, tout endormie,
La bercerai jusqu'au matin,
Car on connaît que j'ai pour mie
Une Andalouse à l'oeil lutin.
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LANDERIBA
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:hello:

De la prose de nos cousins de la belle province...

De nos amis québécois

On est samedi. Et il fait beau. Le printemps parcourt la ville: «Mais où sont-ils? Mais où sont-ils?
Normalement, ces Québécois sont tellement intenses, tellement heureux de me voir, que même s’il fait encore froid, au premier rayon de soleil, ils enlèvent leurs gros manteaux, et sortent en t-shirt et en jupe, pour remplir les terrasses.
» Personne nulle part. C’est effrayant. Le printemps angoisse.
Finalement, il voit une vieille dame sortir sur son balcon. Tout emmitouflée. Il s’approche d’elle. La vieille dame recule:«Ne m’approchez pas, malheureux! Vous ne connaissez pas la consigne?»
– Quelle consigne?
– Il faut se tenir à au moins un mètre de moi.
– Pourquoi? Vous êtes malade?
– Je ne sais pas
– Vous vous sentez bien?
– Oui.
– Alors laissez-moi vous embrasser!
– Surtout pas! Vous êtes qui d’abord, vous, monsieur !?
- Je suis le printemps!»
- Et le printemps fait une pirouette. Puis il enchaîne:
«Vous me connaissez, sûrement!»
- Si je vous connais? Ça, c’est certain. Ça fait longtemps que je vous connais, à part ça! J’ai 80 printemps, moi, monsieur!
– Raison de plus pour me faire un câlin!
– Vous n’êtes vraiment pas au courant! Tombez-vous du ciel?
– On peut dire ça, comme ça.
– Vous n’avez pas Facebook, Instagram ou Twitter?
– Non, mais j’ai les oiseaux.
– Les oiseaux ne vous ont pas dit que sur toute la terre, il y a une grande pandémie? C’est le coronavirus.
C’est très dangereux. Alors, pour ne pas le transmettre, on a annulé tous les rassemblements. On demande le confinement, surtout pour les personnes âgées, comme moi.
– Ah! C’est pour ça qu’on dirait que la ville est fermée. Que personne n’est venu me chercher quand je suis arrivé.
– On vous aime toujours autant, mais il faut rester isolé. Il ne faut rien propager et il ne faut rien attraper.
– Je comprends tout. D’habitude, quand je viens ici, tout le monde est dehors. C’est la fièvre des séries. Tout le monde agite son drapeau tricolore.
– La fièvre des séries, ça fait un petit bout qu’on ne l’attrape plus. On est bien vaccinés pour ça.
– Ah bon... Mais, je me souviens, il n’y a pas si longtemps, il y avait plein de monde qui faisait du bruit
avec des casseroles.
- Ça, c’était en 2012, le printemps érable. En 2020, c’est le printemps misérable.»
- Et la dame se met à pleurer. Le printemps veut se rapprocher d’elle, mais il se retient:
«Ne pleurez pas madame. Ça va aller? Avez-vous le droit au moins, de sortir un peu, de vous promener?
– Oui ça, on peut. Mais seule.
– Je vous promets que tous les jours, vous ne serez pas seule, je serai avec vous, quand vous ferez votre marche. Vous ne me verrez pas. Mais je serai là. Dans chaque feuille dans les arbres, dans chaque brin d’herbe, dans chaque rayon de soleil, dans chaque nuage blanc, dans chaque oiseau qui chante, dans chaque
fleur qui renaît. Et quand je partirai, je dirai à l’été de vous accompagner, aussi. Il est tellement chaleureux, lui. Ça va bien aller. On peut tout arrêter. Sauf la vie. La vie ne s’arrête pas. La vie continue. Toujours. Et il faut tout faire pour continuer avec elle. Alors, faites ce qu’on vous dit, et l’année prochaine, je serai là, bien
sûr, et vous serez là aussi. Et on pourra se sauter dans les bras.»
La dame fait un léger sourire. Quitte son balcon. Et rentre chez elle.
Le printemps s’assoit dans le parc. Seul. Comme il ne l’a jamais été.

Les temps seront durs. Mais le printemps restera.

Les temps seront durs. Mais le printemps reviendra.

JP :happy1:
BZH : Bienvenue en Zone Humide Image
Vieillir, c'est la seule façon de vivre longtemps............
XYZ
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Re: Poèmes lus ou appris à l'école et après......bons et doux souvenirs

Message non lu par XYZ »

Toute référence à un évenement d'actualité serait une pure coïncidence. :mrgreen:


Les animaux malades de la Peste
Second recueil dédié à Madame de Montespan, Livre VII, Fable 1

Les animaux malades de la peste
Un mal qui répand la terreur,
Mal que le Ciel en sa fureur
Inventa pour punir les crimes de la terre,
La Peste (puisqu'il faut l'appeler par son nom)
Capable d'enrichir en un jour l'Achéron,
Faisait aux animaux la guerre.
Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés :
On n'en voyait point d'occupés
A chercher le soutien d'une mourante vie ;
Nul mets n'excitait leur envie ;
Ni Loups ni Renards n'épiaient
La douce et l'innocente proie.
Les Tourterelles se fuyaient :
Plus d'amour, partant plus de joie.
Le Lion tint conseil, et dit : Mes chers amis,
Je crois que le Ciel a permis
Pour nos péchés cette infortune ;
Que le plus coupable de nous
Se sacrifie aux traits du céleste courroux,
Peut-être il obtiendra la guérison commune.
L'histoire nous apprend qu'en de tels accidents
On fait de pareils dévouements :
Ne nous flattons donc point ; voyons sans indulgence
L'état de notre conscience.
Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons
J'ai dévoré force moutons.
Que m'avaient-ils fait ? Nulle offense :
Même il m'est arrivé quelquefois de manger
Le Berger. Je me dévouerai donc, s'il le faut ; mais je pense
Qu'il est bon que chacun s'accuse ainsi que moi :
Car on doit souhaiter selon toute justice
Que le plus coupable périsse.
- Sire, dit le Renard, vous êtes trop bon Roi ;
Vos scrupules font voir trop de délicatesse ;
Et bien, manger moutons, canaille, sotte espèce,
Est-ce un péché ? Non, non. Vous leur fîtes Seigneur
En les croquant beaucoup d'honneur.
Et quant au Berger l'on peut dire
Qu'il était digne de tous maux,
Etant de ces gens-là qui sur les animaux
Se font un chimérique empire.
Ainsi dit le Renard, et flatteurs d'applaudir.
On n'osa trop approfondir
Du Tigre, ni de l'Ours, ni des autres puissances,
Les moins pardonnables offenses.
Tous les gens querelleurs, jusqu'aux simples mâtins,
Au dire de chacun, étaient de petits saints.
L'Ane vint à son tour et dit : J'ai souvenance
Qu'en un pré de Moines passant,
La faim, l'occasion, l'herbe tendre, et je pense
Quelque diable aussi me poussant,
Je tondis de ce pré la largeur de ma langue.
Je n'en avais nul droit, puisqu'il faut parler net.
A ces mots on cria haro sur le baudet. Un Loup quelque peu clerc prouva par sa harangue
Qu'il fallait dévouer ce maudit animal,
Ce pelé, ce galeux, d'où venait tout leur mal.
Sa peccadille fut jugée un cas pendable.
Manger l'herbe d'autrui ! quel crime abominable !
Rien que la mort n'était capable
D'expier son forfait : on le lui fit bien voir.
Selon que vous serez puissant ou misérable,
Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.

Jean de La Fontaine (1621-1695), Fables, 1678-1679.
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Alphonse de LAMARTINE
1790 - 1869

A Némésis

Non, sous quelque drapeau que le barde se range,
La muse sert sa gloire et non ses passions !
Non, je n'ai pas coupé les ailes de cet ange
Pour l'atteler hurlant au char des factions !
Non, je n'ai point couvert du masque populaire
Son front resplendissant des feux du saint parvis,
Ni pour fouetter et mordre, irritant sa colère,
Changé ma muse en Némésis !

D'implacables serpents je ne l'ai point coiffée ;
Je ne l'ai pas menée une verge à la main,
Injuriant la gloire avec le luth d'Orphée,
Jeter des noms en proie au vulgaire inhumain.
Prostituant ses vers aux clameurs de la rue,
Je n'ai pas arraché la prêtresse au saint lieu ;
A ses profanateurs je ne l'ai pas vendue,
Comme Sion vendit son Dieu !

Non, non : je l'ai conduite au fond des solitudes,
Comme un amant jaloux d'une chaste beauté ;
J'ai gardé ses beaux pieds des atteintes trop rudes
Dont la terre eût blessé leur tendre nudité :
J'ai couronné son front d'étoiles immortelles,
J'ai parfumé mon coeur pour lui faire un séjour,
Et je n'ai rien laissé s'abriter sous ses ailes
Que la prière et que l'amour !

L'or pur que sous mes pas semait sa main prospère
N'a point payé la vigne ou le champ du potier ;
Il n'a point engraissé les sillons de mon père
Ni les coffres jaloux d'un avide héritier :
Elle sait où du ciel ce divin denier tombe.
Tu peux sans le ternir me reprocher cet or !
D'autres bouches un jour te diront sur ma tombe
Où fut enfoui mon trésor.

Je n'ai rien demandé que des chants à sa lyre,
Des soupirs pour une ombre et des hymnes pour Dieu,
Puis, quand l'âge est venu m'enlever son délire,
J'ai dit à cette autre âme un trop précoce adieu :
"Quitte un coeur que le poids de la patrie accable !
Fuis nos villes de boue et notre âge de bruit !
Quand l'eau pure des lacs se mêle avec le sable,
Le cygne remonte et s'enfuit."

Honte à qui peut chanter pendant que Rome brûle,
S'il n'a l'âme et la lyre et les yeux de Néron,
Pendant que l'incendie en fleuve ardent circule
Des temples aux palais, du Cirque au Panthéon !
Honte à qui peut chanter pendant que chaque femme
Sur le front de ses fils voit la mort ondoyer,
Que chaque citoyen regarde si la flamme
Dévore déjà son foyer !

Honte à qui peut chanter pendant que les sicaires
En secouant leur torche aiguisent leurs poignards,
Jettent les dieux proscrits aux rires populaires,
Ou traînent aux égouts les bustes des Césars !
C'est l'heure de combattre avec l'arme qui reste ;
C'est l'heure de monter au rostre ensanglanté,
Et de défendre au moins de la voix et du geste
Rome, les dieux, la liberté !

La liberté ! ce mot dans ma bouche t'outrage ?
Tu crois qu'un sang d'ilote est assez pur pour moi,
Et que Dieu de ses dons fit un digne partage,
L'esclavage pour nous, la liberté pour toi ?
Tu crois que de Séjan le dédaigneux sourire
Est un prix assez noble aux coeurs tels que le mien,
Que le ciel m'a jeté la bassesse et la lyre,
A toi l'âme du citoyen ?

Tu crois que ce saint nom qui fait vibrer la terre,
Cet éternel soupir des généreux mortels,
Entre Caton et toi doit rester un mystère ;
Que la liberté monte à ses premiers autels ?
Tu crois qu'elle rougit du chrétien qui l'épaule,
Et que nous adorons notre honte et nos fers
Si nous n'adorons pas ta liberté jalouse
Sur l'autel d'airain que tu sers ?

Détrompe-toi, poète, et permets-nous d'être hommes !
Nos mères nous ont faits tous du même limon,
La terre qui vous porte est la terre où nous sommes,
Les fibres de nos coeurs vibrent au même son !
Patrie et liberté, gloire, vertu, courage,
Quel pacte de ces biens m'a donc déshérité ?
Quel jour ai-je vendu ma part de l'héritage,
Esaü de la liberté ?

Va, n'attends pas de moi que je la sacrifie
Ni devant vos dédains ni devant le trépas !
Ton Dieu n'est pas le mien, et je m'en glorifie :
J'en adore un plus grand qui ne te maudit pas !
La liberté que j'aime est née avec notre âme,
Le jour où le plus juste a bravé le plus fort,
Le jour où Jehovah dit au fils de la femme :
" Choisis, des fers ou de la mort ! "

Que ces tyrans divers, dont la vertu se joue,
Selon l'heure et les lieux s'appellent peuple ou roi,
Déshonorent la pourpre ou salissent la boue,
La honte qui les flatte est la même pour moi !
Qu'importe sous quel pied se courbe un front d'esclave !
Le joug, d'or ou de fer, n'en est pas moins honteux !
Des rois tu l'affrontas, des tribuns je le brave :
Qui fut moins libre de nous deux ?

Fais-nous ton Dieu plus beau, si tu veux qu'on l'adore ;
Ouvre un plus large seuil à ses cultes divers !
Repousse du parvis que leur pied déshonore
La vengeance et l'injure aux portes des enfers !
Ecarte ces faux dieux de l'autel populaire,
Pour que le suppliant n'y soit pas insulté !
Sois la lyre vivante, et non pas le Cerbère
Du temple de la Liberté !

Un jour, de nobles pleurs laveront ce délire ;
Et ta main, étouffant le son qu'elle a tiré,
Plus juste arrachera des cordes de ta lyre
La corde injurieuse où la haine a vibré !
Mais moi j'aurai vidé la coupe d'amertume
Sans que ma lèvre même en garde un souvenir ;
Car mon âme est un feu qui brûle et qui parfume
Ce qu'on jette pour la ternir.
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Charles CROS
1842 - 1888

La vie idéale

a May

Une salle avec du feu, des bougies,
Des soupers toujours servis, des guitares,
Des fleurets, des fleurs, tous les tabacs rares,
Où l'on causerait pourtant sans orgies.

Au printemps lilas, roses et muguets,
En été jasmins, oeillets et tilleuls
Rempliraient la nuit du grand parc où, seuls
Parfois, les rêveurs fuiraient les bruits gais.

Les hommes seraient tous de bonne race,
Dompteurs familiers des Muses hautaines,
Et les femmes, sans cancans et sans haines,
Illumineraient les soirs de leur grâce.

Et l'on songerait, parmi ces parfums
De bras, d'éventails, de fleurs, de peignoirs,
De fins cheveux blonds, de lourds cheveux noirs,
Aux pays lointains, aux siècles défunts.
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Charles CROS
1842 - 1888

Tableau

Enclavé dans les rails, engraissé de scories,
Leur petit potager plaît à mes rêveries.
Le père est aiguilleur à la gare de Lyon.
Il fait honnêtement et sans rébellion
Son dur métier. Sa femme, hélas ! qui serait blonde,
Sans le sombre glacis du charbon, le seconde.
Leur enfant, ange rose éclos dans cet enfer
Fait des petits châteaux avec du mâchefer.
A quinze ans il vendra des journaux, des cigares
Peut-être le bonheur n'est-il que dans les gares !
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Victor HUGO
1802 - 1885

En sortant du collège

PREMIERE LETTRE

Puisque nous avons seize ans,
Vivons, mon vieux camarade,
Et cessons d'être innocents ;
Car c'est là le premier grade.

Vivre c'est aimer. Apprends
Que, dans l'ombre où nos coeurs rêvent,
J'ai vu deux yeux bleus, si grands
Que tous les astres s'y lèvent.

Connais-tu tous ces bonheurs ?
Faire des songes féroces,
Envier les grands seigneurs
Qui roulent dans des carrosses,

Avoir la fièvre, enrager,
Etre un coeur saignant qui s'ouvre,
Souhaiter d'être un berger
Ayant pour cahute un Louvre,

Sentir, en mangeant son pain
Comme en ruminant son rêve,
L'amertume du pépin
De la sombre pomme d'Eve ;

Etre amoureux, être fou,
Etre un ange égal aux oies,
Etre un forçat sous l'écrou ;
Eh bien, j'ai toutes ces joies !

Cet être mystérieux
Qu'on appelle une grisette
M'est tombé du haut des cieux.
Je souffre. J'ai la recette.

Je sais l'art d'aimer ; j'y suis
Habile et fort au point d'être
Stupide, et toutes les nuits
Accoudé sur ma fenêtre.

DEUXIÈME LETTRE

Elle habite en soupirant
La mansarde mitoyenne.
Parfois sa porte, en s'ouvrant,
Pousse le coude à la mienne.

Elle est fière ; parlons bas.
C'est une forme azurée
Qui, pour ravauder des bas,
Arrive de l'empyrée.

J'y songe quand le jour naît,
J'y rêve quand le jour baisse.
Change en casque son bonnet,
Tu croirais voir la Sagesse.

Sa cuirasse est un madras ;
Elle sort avec la ruse
D'avoir une vieille au bras
Qui lui tient lieu de Méduse.

On est sens dessus dessous
Rien qu'à voir la mine altière
Dont elle prend pour deux sous
De persil chez la fruitière.

Son beau regard transparent
Est grave sans airs moroses.
On se la figure errant
Dans un bois de lauriers-roses.

Pourtant, comme nous voyons
Que parfois de ces Palmyres
Il peut tomber des rayons,
Des baisers et des sourires ;

Un drôle, un étudiant,
Rôde sous ces chastes voiles ;
Je hais fort ce mendiant
Qui tend la main aux étoiles.

Je ne sors plus de mon trou.
L'autre jour, étant en verve,
Elle m'appela : Hibou.
Je lui répondis : Minerve.
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Alphonse de LAMARTINE
1790 - 1869
La vigne et la maison (IV)
Efface ce séjour, ô Dieu ! de ma paupière,
Ou rends-le-moi semblable à celui d'autrefois,
Quand la maison vibrait comme un grand coeur de pierre
De tous ces coeurs joyeux qui battaient sous ses toits !

A l'heure où la rosée au soleil s'évapore,
Tous ces volets fermés s'ouvraient à sa chaleur,
Pour y laisser entrer, avec la tiède aurore,
Les nocturnes parfums de nos vignes en fleur.

On eût dit que ces murs respiraient comme un être
Des pampres réjouis la jeune exhalaison ;
La vie apparaissait rose, à chaque fenêtre,
Sous les beaux traits d'enfants nichés dans la maison.

Leurs blonds cheveux épars au vent de la montagne,
Les filles, se passant leurs deux mains sur les yeux,
Jetaient des cris de joie à l'écho des montagnes,
Ou sur leurs seins naissants croisaient leurs doigts pieux.

La mère, de sa couche à ces doux bruits levée,
Sur ces fronts inégaux se penchait tour à tour,
Comme la poule heureuse assemble sa couvée,
Leur apprenant les mots qui bénissent le jour.

Moins de balbutiements sortent du nid sonore,
Quand, au rayon d'été qui vient la réveiller,
L'hirondelle, au plafond qui les abrite encore,
A ses petits sans plume apprend à gazouiller.

Et les bruits du foyer que l'aube fait renaître,
Les pas des serviteurs sur les degrés de bois,
Les aboiements du chien qui voit sortir son maître,
Le mendiant plaintif qui fait pleurer sa voix.

Montaient avec le jour ; et, dans les intervalles,
Sous des doigts de quinze ans répétant leur leçon,
Les claviers résonnaient ainsi que des cigales
Qui font tinter l'oreille au temps de la moisson !

Puis ces bruits d'année en année
Baissèrent d'une vie, hélas ! et d'une voix ;
Une fenêtre en deuil, à l'ombre condamnée,
Se ferma sous le bord des toits.

Printemps après printemps, de belles fiancées
Suivirent de chers ravisseurs,
Et, par la mère en pleurs sur le seuil embrassées,
Partirent en baisant leurs soeurs.

Puis sortit un matin pour le champ où l'on pleure
Le cercueil tardif de I'aïeul,
Puis un autre, et puis deux ; et puis dans la demeure
Un vieillard morne resta seul !

Puis la maison glissa sur la pente rapide
Où le temps entasse les jours ;
Puis la porte à jamais se ferma sur le vide,
Et l'ortie envahit les cours ! ...
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Guy de MAUPASSANT
1850 - 1893
Les oies sauvages
Tout est muet, l'oiseau ne jette plus ses cris.
La morne plaine est blanche au loin sous le ciel gris.
Seuls, les grands corbeaux noirs, qui vont cherchant leurs proies,
Fouillent du bec la neige et tachent sa pâleur.

Voilà qu'à l'horizon s'élève une clameur ;
Elle approche, elle vient, c'est la tribu des oies.
Ainsi qu'un trait lancé, toutes, le cou tendu,
Allant toujours plus vite, en leur vol éperdu,
Passent, fouettant le vent de leur aile sifflante.

Le guide qui conduit ces pèlerins des airs
Delà les océans, les bois et les déserts,
Comme pour exciter leur allure trop lente,
De moment en moment jette son cri perçant.

Comme un double ruban la caravane ondoie,
Bruit étrangement, et par le ciel déploie
Son grand triangle ailé qui va s'élargissant.

Mais leurs frères captifs répandus dans la plaine,
Engourdis par le froid, cheminent gravement.
Un enfant en haillons en sifflant les promène,
Comme de lourds vaisseaux balancés lentement.
Ils entendent le cri de la tribu qui passe,
Ils érigent leur tête ; et regardant s'enfuir
Les libres voyageurs au travers de l'espace,
Les captifs tout à coup se lèvent pour partir.
Ils agitent en vain leurs ailes impuissantes,
Et, dressés sur leurs pieds, sentent confusément,
A cet appel errant se lever grandissantes
La liberté première au fond du coeur dormant,
La fièvre de l'espace et des tièdes rivages.
Dans les champs pleins de neige ils courent effarés,
Et jetant par le ciel des cris désespérés
Ils répondent longtemps à leurs frères sauvages.
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Victor HUGO
1802 - 1885
La fête chez Thérèse
La chose fut exquise et fort bien ordonnée.
C'était au mois d'avril, et dans une journée
Si douce, qu'on eût dit qu'amour l'eût faite exprès.
Thérèse la duchesse à qui je donnerais,
Si j'étais roi, Paris, si j'étais Dieu, le monde,
Quand elle ne serait que Thérèse la blonde ;
Cette belle Thérèse, aux yeux de diamant,
Nous avait conviés dans son jardin charmant.
On était peu nombreux. Le choix faisait la fête.
Nous étions tous ensemble et chacun tête à tête.
Des couples pas à pas erraient de tous côtés.
C'étaient les fiers seigneurs et les rares beautés,
Les Amyntas rêvant des Léonores,
Les marquises riant avec les monsignores ;
Et l'on voyait rôder dans les grands escaliers
Un nain qui dérobait leur bourse aux cavaliers.

A midi, le spectacle avec la mélodie.
Pourquoi jouer Plautus la nuit ? La comédie
Est une belle fine, et rit mieux au grand jour.
Or, on avait bâti, comme un temple d'amour,
Près d'un bassin dans l'ombre habité par un cygne,
Un théâtre en treillage où grimpait une vigne.
Un cintre à claire-voie en anse de panier,
Cage verte où sifflait un bouvreuil prisonnier,
Couvrait toute la scène, et, sur leurs gorges blanches,
Les actrices sentaient errer l'ombre des branches.
On entendait au loin de magiques accords ;
Et, tout en haut, sortant de la frise à mi-corps,
Pour attirer la foule aux lazzis qu'il répète,
Le blanc Pulcinella sonnait de la trompette.
Deux faunes soutenaient le manteau d'Arlequin ;
Trivelin leur riait au nez comme un faquin.
Parmi les ornements sculptés dans le treillage,
Colombine dormait dans un gros coquillage,
Et, quand elle montrait son sein et ses bras nus,
On eût cru voir la conque, et l'on eût dit Vénus.
Le seigneur Pantalon, dans une niche, à droite,
Vendait des limons doux sur une table étroite,
Et criait par instants : " Seigneurs, l'homme est divin.
Dieu n'avait fait que l'eau, mais l'homme a fait le vin ! "
Scaramouche en un coin harcelait de sa batte
Le tragique Alcantor, suivi du triste Arbate
Crispin, vêtu de noir, jouait de l'éventail ;
Perché, jambe pendante, au sommet du portail,
Carlino se penchait, écoutant les aubades,
Et son pied ébauchait de rêveuses gambades.

Le soleil tenait lieu de lustre ; la saison
Avait brodé de fleurs un immense gazon,
Vert tapis déroulé sous maint groupe folâtre.
Rangés des deux cotés de l'agreste théâtre,
Les vrais arbres du parc, les sorbiers, les lilas,
Les ébéniers qu'avril charge de falbalas,
De leur sève embaumée exhalant les délices,
Semblaient se divertir à faire les coulisses,
Et, pour nous voir, ouvrant leurs fleurs comme des yeux,
Joignaient aux violons leur murmure joyeux ;
Si bien qu'à ce concert gracieux et classique,
La nature mêlait un peu de sa musique.

Tout nous charmait, les bois, le jour serein, l'air pur,
Les femmes tout amour, et le ciel tout azur.
Pour la pièce, elle était fort bonne, quoique ancienne.
C'était, nonchalamment assis sur l'avant-scène,
Pierrot qui haranguait, dans un grave entretien,
Un singe timbalier à cheval sur un chien.

Rien de plus. C'était simple et beau. - Par intervalles,
Le singe faisait rage et cognait ses timbales ;
Puis Pierrot répliquait. - Ecoutait qui voulait.
L'un faisait apporter des glaces au valet ;
L'autre, galant drapé d'une cape fantasque,
Parlait bas à sa dame en lui nouant son masque ;
Trois marquis attablés chantaient une chanson ;
Thérèse était assise à l'ombre d'un buisson :
Les roses pâlissaient à côté de sa joue,
Et, la voyant si belle, un paon faisait la roue.

Moi, j'écoutais, pensif, un profane couplet
Que fredonnait dans l'ombre un abbé violet.

La nuit vint, tout se tut ; les flambeaux s'éteignirent ;
Dans les bois assombris les sources se plaignirent ;
Le rossignol, caché dans son nid ténébreux,
Chanta comme un poëte et comme un amoureux.
Chacun se dispersa sous les profonds feuillages ;
Les folles en riant entraînèrent les sages ;
L'amante s'en alla dans l'ombre avec l'amant ;
Et, troublés comme on l'est en songe, vaguement,
Ils sentaient par degrés se mêler à leur âme,
A leurs discours secrets, à leurs regards de flamme,
A leur coeur, à leurs sens, à leur molle raison,
Le clair de lune bleu qui baignait l'horizon.
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Albert SAMAIN
1858 - 1900
Elégie
A Gabriel Randon.

Quand la nuit verse sa tristesse au firmament,
Et que, pâle au balcon, de ton calme visage
Le signe essentiel hors du temps se dégage,
Ce qui t'adore en moi s'émeut profondément.

C'est l'heure de pensée où s'allument les lampes.
La ville, où peu à peu toute rumeur s'éteint,
Déserte, se recule en un vague lointain
Et prend cette douceur des anciennes estampes.

Graves, nous nous taisons. Un mot tombe parfois,
Fragile pont où l'âme à l'âme communique.
Le ciel se décolore ; et c'est un charme unique
Cette fuite du temps, il semble, entre nos doigts.

Je resterais ainsi des heures, des années,
Sans épuiser jamais la douceur de sentir
Ta tête aux lourds cheveux sur moi s'appesantir,
Comme morte parmi les lumières fanées.

C'est le lac endormi de l'heure à l'unisson,
La halte au bord du puits, le repos dans les roses ;
Et par de longs fils d'or nos coeurs liés aux choses
Sous l'invisible archet vibrent d'un long frisson.

Oh ! garder à jamais l'heure élue entre toutes,
Pour que son souvenir, comme un parfum séché,
Quand nous serons plus tard las d'avoir trop marché,
Console notre coeur, seul, le soir, sur les routes.

Voici que, les jardins de la nuit vont fleurir.
Les lignes, les couleurs, les sons deviennent vagues.
Vois, le dernier rayon agonise à tes bagues.
Ma soeur, entends-tu pas quelque chose mourir !...

Mets sur mon front tes mains fraîches comme une eau pure,
Mets sur mes yeux tes mains douces comme des fleurs,
Et que mon âme, où vit le goût secret des pleurs,
Soit comme un lis fidèle et pâle à ta ceinture.

C'est la Pitié qui pose ainsi son doigt sur nous ;
Et tout ce que la terre a de soupirs qui montent,
Il semble qu'à mon coeur enivré, le racontent
Tes yeux levés au ciel si tristes et si doux.
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Paul VERLAINE
1844 - 1896

Ces passions qu'eux seuls nomment encore amours

Ces passions qu'eux seuls nomment encore amours
Sont des amours aussi, tendres et furieuses,
Avec des particularités curieuses
Que n'ont pas les amours certes de tous les jours.

Même plus qu'elles et mieux qu'elles héroïques,
Elles se parent de splendeurs d'âme et de sang
Telles qu'au prix d'elles les amours dans le rang
Ne sont que Ris et Jeux ou besoins érotiques,

Que vains proverbes, que riens d'enfants trop gâtés.
- " Ah ! les pauvres amours banales, animales,
Normales ! Gros goûts lourds ou frugales fringales,
Sans compter la sottise et des fécondités ! "

- Peuvent dire ceux-là que sacre le haut Rite,
Ayant conquis la plénitude du plaisir,
Et l'insatiabilité de leur désir
Bénissant la fidélité de leur mérite.

La plénitude ! Ils l'ont superlativement :
Baisers repus, gorgés, mains privilégiées
Dans la richesse des caresses repayées,
Et ce divin final anéantissement !

Comme ce sont les forts et les forts, l'habitude
De la force les rend invaincus au déduit.
Plantureux, savoureux, débordant, le déduit !
Je le crois bien qu'ils l'ont la pleine plénitude !

Et pour combler leurs voeux, chacun d'eux tour à tour
Fait l'action suprême, a la parfaite extase
- Tantôt la coupe ou la bouche et tantôt le vase -
Pâmé comme la nuit, fervent comme le jour.

Leurs beaux ébats sont grands et gais. Pas de ces crises
Vapeurs, nerfs. Non, des jeux courageux, puis d'heureux
Bras las autour du cou, pour de moins langoureux
Qu'étroits sommeils à deux, tout coupés de reprises,

Dormez, les amoureux ! Tandis qu'autour de vous
Le monde inattentif aux choses délicates,
Bruit ou gît en somnolences scélérates,
Sans même, il est si bête ! être de vous jaloux.

Et ces réveils francs, clairs, riants, vers l'aventure
De fiers damnés d'un plus magnifique sabbat !
Et salut, témoins purs de l'âme en ce combat
Pour l'affranchissement de la lourde nature !
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Louise MICHEL
1830 - 1905
Chanson de cirque
Corrida de Muerte

Les hauts barons blasonnés d'or,
Les duchesses de similor,
Les viveuses toutes hagardes,
Les crevés aux faces blafardes,
Vont s'égayer. Ah ! oui, vraiment,
Jacques Bonhomme est bon enfant.

C'est du sang vermeil qu'ils vont voir.
Jadis, comme un rouge abattoir,
Paris ne fut pour eux qu'un drame
Et ce souvenir les affame ;
Ils en ont soif. Ah ! oui, vraiment,
Jacques Bonhomme est bon enfant.

Peut-être qu'ils visent plus haut :
Après le cirque, l'échafaud ;
La morgue corsera la fête.
Aujourd'hui seulement la bête,
Et demain l'homme. Ah ! oui, vraiment
Jacques Bonhomme est bon enfant.

Les repus ont le rouge aux yeux.
Et cela fait songer les gueux,
Les gueux expirants de misère.
Tant mieux ! Aux fainéants la guerre ;
Ils ne diront plus si longtemps :
Jacques Bonhomme est bon enfant.
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Nérée BEAUCHEMIN
1850 - 1931
Rayons d'octobre (IV)
Maintenant, plus d'azur clair, plus de tiède haleine,
Plus de concerts dans l'arbre aux lueurs du matin :
L'oeil ne découvre plus les pourpres de la plaine
Ni les flocons moelleux du nuage argentin.

Les rayons ont pâli, leurs clartés fugitives
S'éteignent tristement dans les cieux assombris.
La campagne a voilé ses riches perspectives.
L'orme glacé frissonne et pleure ses débris.

Adieu soupirs des bois, mélodieuses brises,
Murmure éolien du feuillage agité.
Adieu dernières fleurs que le givre a surprises,
Lambeaux épars du voile étoilé de l'été.

Le jour meurt, l'eau s'éplore et la terre agonise.
Les oiseaux partent. Seul, le roitelet, bravant
Froidure et neige, reste, et son cri s'harmonise
Avec le sifflement monotone du vent.
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Béroalde de VERVILLE
1556 - 1626
Je change de désirs, non pas de volonté

Je change de désirs, non pas de volonté,
Je change de fortune, et non pas d'espérance,
Je change de conseil, et non pas d'assurance,
Je change de liens, non de captivité.

De mourir pour vos yeux mes désirs ont été,
Et ma fortune était en mon mal patience,
Mon conseil, de périr sous votre obéissance,
Mes liens, les rigueurs de votre cruauté.

Et maintenant je veux vivre pour vos beaux yeux,
J'espère de trouver en vous aimant mon mieux,
Assuré du loyer de mon heureux servage,

De vos perfections éternel serviteur,
En un meilleur état, je change mon malheur,
Et je change constant sans changer de courage.
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Léopold Sedar Senghor

Et le soleil

Et le soleil boule de feu, déclive sur la mer vermeille.
Au bord de la brousse et de l'abîme, je m'égare dans
le dédale du sentier.
Elle me suit, cette senteur haute altière qui irrite mes
narines
Délicieusement. Elle me suit et tu me suis, mon double.

Le soleil plonge dans l'angoisse
Dans un foisonnement de lumières, dans un tressaillement
de couleurs de cris de colères.
Une pirogue, fine comme une aiguille dans une mer
immense étale
Un rameur et son double.
Saignent les grès du cap de Nase quand s'allume le
phare des Mamelles
Au loin. Le chagrin tel me point à ta pensée.

Je pense à toi quand je marche je nage
Assis ou debout, je pense à toi le matin et le soir
La nuit quand je pleure, eh oui quand je ris
Quand je parle je me parle et quand je me tais
Dans mes joies et mes peines. Quand je pense et ne
pense pas
Chère je pense à toi !
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Charles BAUDELAIRE
1821 - 1867
La rançon
L'homme a, pour payer sa rançon,
Deux champs au tuf profond et riche,
Qu'il faut qu'il remue et défriche
Avec le fer de la raison ;

Pour obtenir la moindre rose,
Pour extorquer quelques épis,
Des pleurs salés de son front gris
Sans cesse il faut qu'il les arrose.

L'un est l'Art, et l'autre l'Amour.
- Pour rendre le juge propice,
Lorsque de la stricte justice
Paraîtra le terrible jour,

Il faudra lui montrer des granges
Pleines de moissons, et des fleurs
Dont les formes et les couleurs
Gagnent le suffrage des Anges.
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Théodore de BANVILLE
1823 - 1891
La ville enchantée
Il est de par le monde une cité bizarre,
Où Plutus en gants blancs, drapé dans son manteau,
Offre une cigarette à son ami Lazare,
Et l'emmène souper dans un parc de Wateau.

Les centaures fougueux y portent des badines;
Et les dragons, au lieu de garder leur trésor,
S'en vont sur le minuit, avec des baladines,
Faire un maigre dîner dans une maison d'or.

C'est là que parle et chante avec des voix si douces,
Un essaim de beautés plus nombreuses cent fois,
En habit de satin, brunes, blondes et rousses,
Que le nombre infini des feuilles dans les bois!

O pourpres et blancheurs! neiges et rosiers! L'une,
En découvrant son sein plus blanc que la Jung-Frau,
Cause avec Cyrano, qui revient de la lune,
L'autre prend une glace avec Cagliostro.

C'est le pays de fange et de nacre de perle;
Un tréteau sur les fûts du cabaret prochain,
Spectacle où les décors sont peints par Diéterle,
Cambon, Thierry, Séchan, Philastre et Despléchin;

Un théâtre en plein vent, où, le long de la rue,
Passe, tantôt de face et tantôt de profil,
Un mimodrame avec des changements à vue,
Comme ceux de Gringore et du céleste Will.

Là, depuis Idalie, où Cypris court sur l'onde
Dans un coupé de nacre attelé d'un dauphin,
Vous voyez défiler tous les pays du monde
Avec un air connu, comme chez Séraphin.

La Belle au bois dormant, sur la moire fleurie
De la molle ottomane où rêve le chat Murr,
Parmi l'air rose et bleu des feux de la féerie
S'éveille après cent ans sous un baiser d'amour.

La Chinoise rêveuse, assise dans sa jonque,
Les yeux peints et les bras ceints de perles d'Ophir,
D'un ongle de rubis rose comme une conque
Agace sur son front un oiseau de saphir.

Sous le ciel étoilé, trempant leurs pieds dans l'onde
Que parfument la brise et le gazon fleuri,
Et d'un bois de senteur couvrant leur gorge blonde,
Dansent à s'enivrer les bibiaderi.

Là, belles des blancheurs de la pâle chlorose,
Et confiant au soir les rougeurs des aveux,
Les vierges de Lesbos vont sous le laurier-rose
S'accroupir dans le sable et causer deux à deux.

La reine Cléopâtre, en sa peine secrète,
Fière de la morsure attachée à son flanc,
Laisse tomber sa perle au fond du vin de Crète,
Et sa pourpre et sa lèvre ont des lueurs de sang.

Voici les beaux palais où sont les hétaïres,
Sveltes lys de Corinthe et roses de Milet,
Qui, dans des bains de marbre, au chant divin des lyres,
Lavent leurs corps sans tache avec un flot de lait.

Au fond de ces séjours à pompe triomphale,
Où brillent aux flambeaux les cheveux de maïs,
Hercule enrubanné file aux genoux d'Omphale,
Et Diogène dort sur le sein de Laïs.

Salut, jardin antique, ô Tempé familière
Où le grand Arouet a chanté Pompadour,
Où passaient avant eux Louis et La Vallière,
La lèvre humide encor de cent baisers d'amour!

C'est là que soupiraient aux pieds de la dryade,
Dans la nuit bleue, à l'heure où sonne l'angelus,
Et le jeune Lauzun, fier comme Alcibiade,
Et le vieux Richelieu, beau comme Antinoüs.

Mais ce qui me séduit et ce qui me ramène
Dans la verdure, où j'aime à soupirer le soir,
Ce n'est pas seulement Phyllis et Dorimène,
Avec sa robe d'or que porte un page noir.

C'est là que vit encor le peuple des statues
Sous ses palais taillés dans les mélèzes verts,
Et que le choeur charmant des Nymphes demi-nues
Pleure et gémit avec la brise des hivers.

Les Naïades sans yeux regardent le grand arbre
Pousser de longs rameaux qui blessent leurs beaux seins,
Et, sur ces seins meurtris croisant leurs bras de marbre,
Augmentent d'un ruisseau les larmes des bassins.

Aujourd'hui les wagons, dans ces steppes fleuries,
Devancent l'hirondelle en prenant leur essor,
Et coupent dans leur vol ces suaves prairies,
Sur un ruban de fer qui borde un chemin d'or.

Ailleurs, c'est le palais où Diane se dresse
Ayant sur son front pur la blancheur des lotus,
Pour lequel Titien a donné sa maîtresse,
Où Phidias a mis les siennes, ses Vénus!

Et maintenant, voici la coupole féerique
Où, près des flots d'argent, sous les lauriers en fleurs,
Le grand Orphée apporte à la Grèce lyrique
La lyre que Sappho baignera dans les pleurs.

O ville où le flambeau de l'univers s'allume!
Aurore dont l'oeil bleu, rempli d'illusions,
Tourné vers l'Orient, voit passer dans sa brume
Des foyers de splendeur étoilés de rayons!

Ce théâtre en plein vent bâti dans les étoiles,
Où passent à la fois Cléopâtre et Lola,
Où défile en dansant, devant les mêmes toiles,
Un peuple chimérique en habit de gala;

Ce pays de soleil, d'or et de terre glaise,
C'est la mélodieuse Athènes, c'est Paris,
Eldorado du monde, où la fashion anglaise
Importe deux fois l'an ses tweeds et ses paris.

Pour moi, c'est dans un coin du salon d'Aspasie,
Sur l'album éclectique où, parmi nos refrains,
Phidias et Diaz ont mis leur fantaisie,
Que je rime cette ode en vers alexandrins.
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François-René de CHATEAUBRIAND
1768 - 1848
Clarisse
Imitation d'un poète écossais.

Oui, je me plais, Clarisse, à la saison tardive,
Image de cet âge où le temps m'a conduit ;
Du vent à tes foyers j'aime la voix plaintive
Durant la longue nuit.

Philomèle a cherché des climats plus propices ;
Progné fuit à son tour : sans en être attristé,
Des beaux jours près de toi retrouvant les délices,
Ton vieux cygne est resté.

Viens dans ces champs déserts où la bise murmure
Admirer le soleil, qui s'éloigne de nous ;
Viens goûter de ces bois qui perdent leur parure
Le charme triste et doux.

Des feuilles que le vent détache avec ses ailes
Voltige dans les airs le défaillant essaim :
Ah ! puissé-je en mourant me reposer comme elles
Un moment sur ton sein !

Pâle et dernière fleur qui survit à Pomone,
La veilleuse en ces prés peint mon sort et ma foi :
De mes ans écoulés tu fais fleurir l'automne,
Et je veille pour toi.

Ce ruisseau, sous tes pas, cache au sein de la terre
Son cours silencieux et ses flots oubliés :
Que ma vie inconnue, obscure et solitaire,
Ainsi passe à tes pieds !

Aux portes du couchant le ciel se décolore ;
Le jour n'éclaire plus notre aimable entretien :
Mais est-il un sourire aux lèvres de l'Aurore
Plus charmant que le tien ?

L'astre des nuits s'avance en chassant les orages :
Clarisse, sois pour moi l'astre calme et vainqueur
Qui de mon front troublé dissipe les nuages
Et fait rêver mon coeur.
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José-Maria de HEREDIA
1842 - 1905
Bacchanale
Une brusque clameur épouvante le Gange.
Les tigres ont rompu leurs jougs et, miaulants,
Ils bondissent, et sous leurs bonds et leurs élans
Les Bacchantes en fuite écrasent la vendange.

Et le pampre que l'ongle ou la morsure effrange
Rougit d'un noir raisin les gorges et les flancs
Où près des reins rayés luisent des ventres blancs
De léopards roulés dans la pourpre et la fange.

Sur les corps convulsifs les fauves éblouis,
Avec des grondements que prolonge un long râle,
Flairent un sang plus rouge à travers l'or du hâle ;

Mais le Dieu, s'enivrant à ces jeux inouïs,
Par le thyrse et les cris les exaspère et mêle
Au mâle rugissant la hurlante femelle.
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Aloysius BERTRAND
1807 - 1841
Le clair de lune
Oh ! qu'il est doux, quand l'heure tremble au clocher,
la nuit, de regarder la lune qui a le nez fait comme
un carolus d'or !

Deux ladres se lamentaient sous ma fenêtre, un chien
hurlait dans le carrefour, et le grillon de mon foyer
vaticinait tout bas.

Mais bientôt mon oreille n'interrogea plus qu'un silence
profond. Les lépreux étaient rentrés dans leurs chenils,
aux coups de Jacquemart qui battait sa femme.

Le chien avait enfilé une venelle, devant les pertuisanes
du guet enrouillé par la pluie et morfondu par la bise.

Et le grillon s'était endormi, dès que la dernière bluette
avait éteint sa dernière lueur dans la cendre de la cheminée.

Et moi, il me semblait, - tant la fièvre est incohérente ! -
que la lune, grimant sa face, me tirait la langue comme
un pendu !
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djef24
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Re: Poèmes lus ou appris à l'école et après......bons et doux souvenirs

Message non lu par djef24 »

La romance d'amour.

Quand je t'aimais de l'amour le plus tendre,
Quand tu causais ma peine ou mon bonheur,
Au seul plaisir de te voir, de t'entendre,
Je consacrais tous les vœux de mon cœur.

Je n'avais plus, vers toi seul attirée,
Qu'un sentiment, qu'un espoir, qu'un désir ;
De mon amour constamment enivrée,
Ne pas t'aimer me paraissait languir !

Las ! ce penchant, qui dominait ma vie,
À moins charmé que tourmenté mes jours !
Craintes, regrets, pénible jalousie,
En remplissaient, en agitaient le cours.

Mon cœur enfin, sortant de ce délire,
Sut de l'amant se créer un ami,
Qu'il aime encor, plus qu'il n'ose le dire ;
Mais... qu'est-ce auprès de ce qu'il a senti !

Hélène van den Bergh
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